Mardi 28 novembre 2023, le Conseil de Territoire d’Est Ensemble a approuvé la nouvelle tarification de l’eau. Jean-Claude Oliva nous explique son fonctionnement.
Je voudrais tout d’abord saluer et remercier les citoyennes et les citoyens qui sont présent·es ce soir dans la salle du Conseil de Territoire. Cela n’arrive quasiment que lorsque l’eau est à l’ordre du jour. Il y a toujours besoin de vous, de votre mobilisation pour accompagner le développement de la régie publique et pour résister aux pressions marchandes et/ou bureaucratiques.
A l’invitation de plusieurs associations regroupées dans un Forum citoyen de l’eau, j’ai eu l’occasion de présenter en avant-première dans trois villes devant plus de 80 personnes, les propositions qui seront votées ce soir. Dans l’ensemble, elles ont été bien accueillies, selon les résultats d’un questionnaire rempli par les participant·es. Bien sûr, il y a des questions et aussi des propositions issues de ces échanges très riches ; je les ai bien notées et nous aurons l’occasion d’y revenir d’une façon précise.
Le vote de ce soir est l’aboutissement d’un processus démocratique inédit pour les élu·es d’Est Ensemble. Deux passages ont eu lieu en Bureau de territoire les 13 septembre et le 15 novembre. Deux passages également au Conseil d’Administration de la régie, le 20 septembre et 28 septembre. A l’issue de notre vote ce soir, il y aura une nouvelle information au Conseil d’Administration de la régie jeudi 30 novembre. C’est une rupture avec la longue période passée au SEDIF où les tarifs annuels étaient votés au comité syndical et où surtout, il n’y a jamais eu de discussion de fond sur la construction de ces tarifs.
Jusqu’à présent, la tarification de l’eau est complexe et peu lisible ; des usagers dans une même ville et dans un même type de logement peuvent avoir des tarifs très différents. Nous avons voulu au contraire une tarification plus simple et universelle, la même pour tous les usagers domestiques en habitat individuel comme en habitat collectif.
La première mesure est la suppression de l’abonnement. Celui-ci pénalise celles et ceux qui consomment le moins. C’est à dire les personnes seules, les familles monoparentales avec un à trois enfants, les couples avec un ou deux enfants, qui constituent l’immense majorité des habitant·es de notre territoire. Près de 92% des ménages d’Est Ensemble comprennent au plus quatre personnes. 3% plus de cinq personnes. Nous nous sommes appuyés sur une connaissance précise des réalités socio-démographiques de notre territoire grâce aux analyses du laboratoire Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement de l’INRAE à Strasbourg.
La seconde mesure est une première tranche gratuite pour l’eau vitale. Un peu plus de 10 m3/an. Cela correspond à l’eau pour la vie, c’est à dire l’eau pour la boisson et pour la cuisine. C’est calculé sur la base de la consommation d’un foyer de six personnes.
Ensuite plusieurs tranches correspondant à l’eau utile :
– 2e tranche, de 18 m3, à 1,1988 €/m3 (à comparer au tarif actuel à 1,57€/m3 en habitat collectif) -linge ;
– 3e tranche de 58 m3/an à 1,332 €/m3 -bains, douches ;
– 4e tranche de 15 m3/an à 1,372 €/m3 -vaisselle ;
– 5e tranche de 30 m3/an à 1,42 €/m3 -toilettes ;
Enfin, l’eau « superflue » :
– 6e tranche de 9 m3/an à 1,4919 €/m3 -lavage de voiture ;
– 7e tranche au delà de 140 m3/an à 1,5366 €/m3 -en dessous du tarif actuel dans l’habitat collectif.
La tarification est progressive, plus on consomme, plus on paie.
Pour aller encore plus loin dans le sens de la justice, il faudrait pouvoir tenir compte du nombre d’habitants par logement. Aujourd’hui ce n’est toujours pas possible : malgré les promesses faites, il y a plusieurs années, par le Gouvernement, nous n’avons pas accès aux données nominatives sur la composition des ménages et sur les revenus. Je viens d’ailleurs de cosigner une lettre à ce sujet avec de nombreux présidents de régie et de syndicats, et même avec M. Santini !
La nouvelle tarification favorise les personnes seules et les familles monoparentales. A noter que sur Est Ensemble, 76% des ménages sont composés de moins de trois personnes et seulement 3% de plus de cinq personnes.
D’après nos calculs, tous les usagers domestiques paieront moins qu’aujourd’hui. Personne ne sera pénalisé par cette nouvelle tarification. Nous aurons néanmoins la possibilité de verser une allocation aux personnes en difficultés, via les CCAS. Une enveloppe maximale de 2% des recettes est prévue à cet effet.
Si tout le monde paie moins, nous aurons globalement moins de recettes. Et je vous rappelle que le service public de l’eau est financé exclusivement par la facture d’eau des usagers. Allons-nous arriver dans ce cas à investir davantage, dans l’objectif d’atteindre 1% de renouvellement de notre réseau par an, ce que n’a jamais fait le SEDIF à Est Ensemble ? Oui car en sortant du système SEDIF-Veolia, nous récupérons une partie de la rente perçue par Veolia. 9% des produits des ventes d’eau reviennent à Veolia au titre de sa rémunération. A cela il faut ajouter les travaux de sous-traitance hors contrat, réalisés encore par Veolia. Nous ne récupérons pas toute la rente puisque nous achèterons encore en 2024 toute notre eau au prix fort au SEDIF, mais ce que nous récupérons sera suffisant pour mettre en place la nouvelle tarification et améliorer l’entretien et le renouvellement du réseau.
L’habitat collectif
Dans l’habitat collectif, un seul compteur pour un immeuble ou un groupe d’immeubles est pris en compte par le service public de l’eau (même si le bailleur ou le syndic a pu faire installer des compteurs individuels). Pour que les habitant·es bénéficient des mêmes avantages que dans les logements individuels, le tarif sera appliqué en tenant compte du nombre de logements. Par exemple, s’il y a 100 logements, la tranche gratuite sera de 100X10= 1000 m3/an et ainsi de suite pour les autres tranches. Il y a un enjeu à ce que bailleurs et syndics appliquent ensuite le même système de tarification que nous et ne fassent pas un lissage sur un prix moyen du m3.
L’usage économique
La plupart des professionnels sont aujourd’hui au même tarif que les usagers domestiques. Par exemple, les hôtels, les restaurants, les coiffeurs, etc. En moyenne, un coiffeur consomme 180 m3/an. Nous envisageons de créer ultérieurement un tarif professionnel différent de celui des usagers domestiques. En effet, il n’y a pas de raison qu’un professionnel bénéficie d’une tranche gratuite, par exemple. Cela impliquera un travail de recensement des compteurs destinés à l’usage des professionnels.
25 entreprises consommant globalement 646 000 m3/an sont aujourd’hui sur des tarifs professionnels fortement dégressifs. Nous changeons leur tarification pour les mettre sur un tarif unique, pour les inciter à consommer moins, tout en conservant globalement la même recette. C’est un premier pas, il faudra aller plus loin et les basculer eux aussi en tarif progressif pour les inciter à consommer encore moins.
Pour terminer, je voudrais particulièrement remercier Claude Queyranne qui a calculé ces tarifs et Eve Karleskind qui a répondu patiemment à toutes les questions et les objections de ma part et de la part des administrateurs de la régie.