Le débat de ce soir est très important car c’est le premier que nous avons avec l’ensemble des conseillers territoriaux. Je me joins aux remerciements exprimés par Lionel Benharous. Loin des postures, il doit nous permettre de passer de l’intention (avoir un véritable service public de l’eau) à l’action (modalités de sortie du SEDIF et de structuration d’une régie publique capable de gérer la facturation mais aussi le stockage, la distribution de l’eau, le contrôle de sa qualité et l’entretien du réseau).
Ce débat de ce soir et la décision qui en découlera, doivent aussi marquer un changement politique majeur pour notre territoire : celui du passage d’une gestion assurée par un syndicat technique au fonctionnement verrouillé et opaque à une gestion en régie publique sous le contrôle des élus locaux d’Est Ensemble et donc des citoyens.
Comme à Grenoble, Nice, Aix, Besançon, Strasbourg, Clermont, Poitiers, Metz, Rennes, Montpellier, Paris et maintenant Lyon et bientôt Bordeaux, nous voulons changer de modèle et passer de l’ancien monde (avec une gestion parfois obscur), à un nouveau monde basé sur la prise en main par la puissance publique et les citoyens des ressources naturelles du territoire, afin d’en favoriser une gestion et une exploitation juste et durable, au bénéfice des habitants et de l’environnement. C’est une question de justice sociale, d’écologie et de citoyenneté, 3 valeurs forte pour notre groupe politique et notre assemblée.
Ce passage de l’intention politique à l’action est décisif. Ce sujet est ancien, puisque discuté depuis la création d’Est Ensemble. Il fait l’objet d’études depuis plusieurs années, sans qu’aucune de ces études n’aient été commandées afin d’établir les conditions optimales d’un passage en régie, Jean-Claude Oliva l’a rappelé. Nous avons trop souvent pris le parti de partir des hypothèses du SEDIF, sans chercher à construire les conditions d’une sortie qui ne soient pas celles imposées par le SEDIF qui n’a de toute façon aucun intérêt à nous faire sortir de son périmètre, pour des questions politiques et financières évidentes.
Les études présentées depuis le 21 octobre témoignent des mêmes insuffisances que les précédentes.
- Certes, elles apportent des éléments de réponse à plusieurs questions : coût d’une déconnexion physique de nos réseaux, coût de la création d’une régie,coût de la transition, modalités de partage de la dette et du patrimoine en cas de sortie du SEDIF.
- Mais elles n’apportent hélas aucune réponses à plusieurs questions importantes que nous avons communiqué au cabinet du Président et au cabinet Espelia, notamment sur le montant des travaux prévus sur le réseau d’eau quelque soit le délégataire.
- Surtout, les études réalisées jusqu’ici ont été orientées d’une façon qui ne nous permet pas d’avoir suffisamment creuser les options possibles et favorables à une régie publique. L’ensemble des élus écologistes ont le sentiment que nous n’avons pas suffisamment exploré les voies possibles du changement, les issues à trouver, le chemin à tracer pour avancer.
Pour filer la métaphore automobile, nous avons étudié tous les tarifs du péage, tous les coûts de l’autoroute sur laquelle nous sommes engagés, sans avoir cherché un autre chemin que celui par lequel veut nous faire passer le SEDIF, pour nous faire passer à la caisse. Il faut donc sortir la tête du guidon, brancher notre GPS et envisager de prendre la sortie avant le péage, un choix à l’image de la bifurcation écologique chère aux partisans de Jean-Luc Mélenchon;
Nous disons que nous n’avions pas suffisamment creuser l’ensemble des options. Nous en voulons pour preuve, que suite à nos questions transmises fin octobre, Espelia nous a répondu très clairement que :
- la déconnexion physique des réseaux était au coeur du cahier des charges de son étude, et qu’ils n’étaient pas en mesure de nous apporter des réponses et des chiffres sur le scénario d’une déconnexion virtuelle, scénario qui n’a jamais été étudié dans le détail nous répondent ils.
- Espelia et Otéis/Egis nous ont écrit qu’ils n’avaient participé qu’à une seule réunion d’échanges avec le SEDIF (le 3 avril 2019). Depuis, Est Ensemble n’a pas sollicité leur avis ou présence pour tout échange avec le SEDIF, ni demandé de proposer une stratégie de négociations.
- Idem sur le transfert des biens du SEDIF vers Est Ensemble. La tranche « 1.11. Détermination des biens devant être reprise par Est Ensemble » de notre étude n’a jamais été activée.
L’heure est venue d’éclairer le débat afin de pouvoir décider en conscience le moment venu.
Notre groupe Ecologie & Citoyenneté, composé d’élus EELV, Générations et citoyens, a 2 proposition à faire au Président et à cette assemblée :
- d’abord, étudions sérieusement le scénario de la déconnexion virtuelle. Il ne figure pas à proprement parler dans l’étude Espelia, qui n’évoque que la déconnexion physique.
- La déconnexion physique sépare et isole physiquement la partie du réseau Sedif qui dessert notre territoire. Concrètement : il s’agit de couper tout le maillage pour faire un seul point d’entrée de l’eau du SEDIF pour tout le territoire d’Est Ensemble et de construire nos propres réservoirs. Ce qui implique de gros travaux.
- Ce n’est pas dans l’esprit de la doctrine de l’État, explicitée dans des rapports de la Cour des Comptes ou du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), qui affirme que le service public de l’eau doit pouvoir s’appuyer sur les infrastructures existantes et faire appel aux solidarités locales pour ne pas investir inutilement.
- Et cela n’apporte aucun service supplémentaire à notre territoire. ça serait comme si on devait doubler le réseau ferré de la RATP, le réseau électrique d’ERDF ou le réseau routier entre nos villes
- Inversement, la déconnexion virtuelle que nous proposon est plus simple :
- elle n’isole pas le territoire du maillage du réseau existant (économies). Nous prenons en charge l’entretien du réseau, la gestion des 3 réservoirs existants, la distribution, et la relation aux usagers (tarification).
- Pour facturer l’eau en gros du territoire, on s’appuie sur les données des compteurs des usagers et sur les capteurs en place, avec une évaluation du rendement.
- Le Sedif dit que c’est possible techniquement. Ils envisagent cela comme une solution transitoire. Nous voulons en faire une solution pérenne.
- Rien ne change pour la qualité de l’eau : car le réseau reste le même, avec les mêmes installations de sécurité et les mêmes contrôles.
- principal avec la déconnexion virtuelle, on économise 44 M€ de travaux. Et cela ne change rien au reste du budget de fonctionnement.
Notre seconde proposition est de traduire notre volonté politique dans la commande qui est faite aux bureaux d’étude et de conseils que nous payons pour apporter des conseils et des réponses à nos questions. L’ensemble des élus écologistes refusent de voter pour une ré-adhésion au SEDIF sans que soit étudié plus sérieusement le scénario de la déconnexion virtuelle, la recherche d’un modèle économique autre que la contribution financières des Villes et la question de l’alimentation en eau d’une partie du territoire par Eau de Paris à horizon 5 ou 10 ans.
Nous réclamons donc une étude dont la commande, le périmètre et les objectifs sont fixés avec le vice-président compétent. Elle doit notamment prévoir une aide à la décision sur les conditions de négociation avec le SEDIF et les autres acteurs concernés. Nous devons préparer sérieusement cette négociation commerciale, à commencer par le prix d’achat de l’eau.
Pour finir, je disais au début de mon intervention que cette question reflète un changement de modèle, un changement de monde. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du bureau ou de cette assemblée, ici présents ou en visio, vous n’appartenez pas à l’ancien monde. Vous êtes des acteurs du nouveau monde, comme ceux de Paris, Lyon, Strasbourg, Poitiers ou Bordeaux qui s’engagent vers la régie publique. Quand je vois les visages et les prises de position des collègues ici présents, Lionel pour le PS, Richard our la FI, Jean-Claude et Nadia pour les écologistes, je vois le désir majoritaire de changements qui nous anime, pour plus de justice sociale, plus d’écologie et plus de démocratie. Alors sur ce sujet Ô combien important de l’eau, nous demandons encore un peu de temps, 3 ou 4 mois tout au plus, afin de conduire les études qui pourront nous éclairer sur le chemin possible. Il n’est pas seulement question du prix de l’eau, Monsieur Stephen Hervé, il s’agit aussi d’une reprise en main durable par la puissance publique d’un bien commun qui commence par la facturation et, qui doit déboucher dans un temps sur la maîtrise de la production, comme le font les autres villes.
Monsieur le Président, cher collègues, personne ne comprendrait que nous prenions une décision en novembre, avec des études qui mettent en avant le coût très élevé d’une sortie du SEDIF mais sans que jamais nous n’ayons creusé l’ensemble des autres possibilités, sans que nous n’ayons rencontré le SEDIF ou Eau de Paris pour parler des perspectives d’alimentation en eau à moyen et long terme. personne ne comprendrait que nous asseyons sur votre programme des municipales, et ce que vous nous avez confirmé début juillet avant votre élection : Mobilisation pour la création d’une régie publique de l’eau, afin de garantir sa qualité, son prix et son accessibilité. Une réflexion sera menée pour la création d’une tarification solidaire liée aux revenus de chaque foyer. Nous l’avons dit, nous l’avons promis, nous devons nous donner les moyens de passer de l’intention à l’action. Je vous remercie.