LES COMBUSTIBLES SOLIDES DE RÉCUPÉRATION (CSR)
Article du Cniid + extraits du rapport de l’ADEME-FEDEREC
Le nouveau tour de passe-passe de l’incinération
La soif des industriels pour continuer à profiter de la manne financière que constituent les déchets n’a décidément pas de limite. Dans la droite ligne du slogan de Veolia « Faire de nos déchets des ressources », se développe depuis quelques années un marché qui pourrait être juteux : celui des combustibles solides de récupération (CSR) [1]. Le Comité européen de normalisation (CEN) les définit [2] officiellement comme des « combustibles solides préparés à partir de déchets non dangereux destinés à être valorisés énergétiquement dans des installations d’incinération ou de co-incinération ».
Pour fabriquer les CSR, les déchets ménagers sont ainsi broyés puis traités avec de la vapeur sous pression pour les stériliser. Principalement composés de la portion organique des déchets (papier, carton, textiles, bois) ils contiennent aussi beaucoup de plastiques mélangés. L’appellation « CSR » étant complètement absente de la réglementation européenne, il n’existe pas de règle quant à la composition ou aux propriétés de ce que l’on désigne sous ce terme.
UN PROJET DE NORMALISATION DANGEREUX
C’est la raison pour laquelle le CEN s’apprête à publier une norme fixant un « niveau de qualité suffisant pour un usage commercial » des CSR. Seul problème, le niveau préconisé par le CEN n’est pas exactement celui que recommande à minima ECOS [3], l’organisme représentant les ONG environnementales européenne au sein du CEN. Parmi les nombreuses lacunes de ce projet, on note l’absence de limitation pour les métaux lourds (sauf pour le mercure) ainsi que l’autorisation d’une importante teneur en chlore (responsable de la formation de dioxines) dans la composition des CSR. L’adoption en l’état de ce standard permettrait également de donner la qualification de « combustible » à des déchets ayant un pouvoir calorifique très faible, qui nécessiterait l’ajout d’autres combustibles pour entretenir la combustion. Le Cniid, qui soutient la position d’ECOS, l’a relayée aux représentants français du CEN (AFNOR).
Au-delà des questions de réglementation et de composition, c’est le principe sur lequel repose le développement du marché des CSR que critique le Cniid. Le projet de normalisation des CSR présente aussi le risque pernicieux du changement de statut de ces déchets, qui, devenus des « produits » pourront être beaucoup plus facilement exportés. Une fois de plus, au lieu de repenser nos processus de production et notre consommation pour réduire à la source nos déchets, on invente de nouveaux exutoires lucratifs que l’on recouvre d’un vernis « vert ». Mais que trouve-t-on si l’on gratte ce vernis ?
UN DÉVELOPPEMENT EN TOTALE CONTRADICTION AVEC LES DÉMARCHES DE RÉDUCTION DES DÉCHETS ET DE VALORISATION MATIÈRE
Concernant la composition des CSR, la Commission européenne admet qu’ils peuvent être composés de matériaux recyclables, mais argue qu’ils se présentent « sous une forme ne permettant pas un recyclage respectueux de l’environnement ». Le Cniid oppose à cela plusieurs réponses. D’abord, pour ce qui concerne les matériaux organiques (papiers, cartons, bois) contenus dans les CSR, la difficulté de leur recyclage est principalement liée à un manque de sensibilisation au tri et/ou aux souillures causées par leur contact avec les déchets alimentaires, en l’absence de collecte séparée de ces derniers.
Ensuite, faire des déchets plastiques une source de profit protège les industriels qui les utilisent à outrance de la nécessité de repenser les processus de production et de conditionnement.
Pour finir, l’argument de la FNADE selon lequel les CSR « constituent à la fois une solution de traitement de déchets et une véritable ressource énergétique » passe sous silence que, même s’ils seront détournés de la mise en décharge, ces déchets seront au final incinérés, avec dans tous les cas des impacts moins « respectueux de l’environnement » que n’importe lequel des recyclages.
Les CSR sont également présentés par leurs promoteurs comme « une source d’énergie renouvelable et d’économie de CO2 », alors qu’ils sont en grande partie composés de matières plastiques d’origine fossile et que la part de biomasse qu’ils contiennent pourrait être nettement mieux valorisée par la méthanisation ou le recyclage. Ces combustibles sont de plus destinés à être brûlés dans des installations d’incinération ou de co-incinération, qui émettent du CO2 en grande quantité. Et que le carbone soit d’origine fossile ou organique, le climat ne fait pas la différence à court terme.
Le développement d’un marché de CSR est donc incompatible avec toute démarche de réduction des déchets et de préservation des ressources naturelles, et il doit en cela être combattu.
Cet article est extrait du Cniid-infos n°40 (Juillet-Octobre 2011)
Le rapport de l’Ademe de mars 2016
Télécharger le rapport de l’Ademe sur les CSR et de federec ( fédération des constructeurs de chaudières )
les conclusions du rapport
« La présente étude a permis de fournir à FEDEREC les éléments, essentiellement techniques et scientifiques, qui vont lui permettre de développer et de faciliter l’usage des CSR en France, voire à l’export, grâce notamment à une meilleure connaissance du gisement, à des spécifications des CSR claires, suffisantes et justifiées. Il en ressort notamment que : La définition même des CSR manque de clarté, que ce soit au niveau national ou au niveau européen. Cela a pour conséquence un manque de lisibilité ; ce qui contribue à la méfiance des Pouvoirs publics et des citoyens vis-à-vis de la valorisation thermique des CSR. En outre, cela rend également difficile la collecte et l’interprétation des données, en particulier sur les volumes des gisements existants et sur les méthodes de valorisation. Concernant la qualité des CSR, une norme a été mise en place mais reste moyennement appliquée et ne renseigne que partiellement l’utilisateur sur le contenu réel des CSR. En outre, elle est assez stricte et par conséquent la plupart des CSR sont classés dans les catégories les plus défavorables ; ce qui n’est pas forcément représentatif des possibilités et des performances du produit en combustion. En termes réglementaires, la valorisation des CSR reste assez contraignante, que ce soit en France ou en Europe. Aujourd’hui, les principales voies restent la cimenterie et les incinérateurs d’OM. Les autres voies de valorisation sont très limitées et restent encore à développer. Il est à noter cependant que seule la France fait actuellement le choix de limiter la composition des CSR, tout en maintenant des contraintes de combustion sensiblement identiques à celle de l’incinération des OM. Il y a des variations importantes d’un CSR a un autre. En revanche la composition d’un même CSR reste assez stable dans le temps. Les principaux matériaux qui les composent sont les plastiques, le bois, les textiles et les papiers cartons. La granulométrie est assez bien maîtrisée avec des tailles de particules qui sont la plupart du temps inférieure à 30 mm. La densité des produits est assez faible avec des valeurs comprises généralement entre 75 et 250 kg/m3. Hors cas particulier, la teneur en minéraux est assez faible (quelques %) notamment pour les DIB et les encombrants. Les analyses physiques couplées aux analyses élémentaires ont également permis de déterminer des corrélations entre certains éléments et les matériaux, comme par exemple les origines du chlore, du soufre et de l’azote. Ainsi cela permettra aux producteurs de CSR d’améliorer la qualité de leurs produits en essayant d’optimiser l’extraction de certains matériaux comme les mousses de polyuréthane, les films métallisés, … Les deux technologies retenues pour la valorisation des CSR sont la grille et le lit fluidisé :
o La chaudière à grille n’est pas très exigeante sur les caractéristiques physiques des combustibles. Elle demande en premier lieu que les cendres aient des températures de fusion suffisamment élevées pour éviter la formation de mâchefers. L’humidité peut être comprise entre 15 et 50 % sur brut, voire 60 % avec certains équipements spécialement conçus pour des charges très humides. Elle admet des combustibles aussi variées que des plaquettes, des granulés, de la paille, etc. Les exigences se situent plutôt au niveau de l’alimentation en combustible du foyer, car c’est souvent à cet endroit que sont localisés les problèmes rencontrés (blocage de convoyeur, de vis, etc.). Enfin, les taux de cendres ne doivent pas être trop importants (sauf cas particulier, on se limite généralement à 15 %). En outre les masses volumiques trop faibles peuvent être synonymes de voûtage et de mauvais avancement sur les grilles.
o Concernant les systèmes à lit fluidisé, ils sont à la fois moins exigeants sur la nature des combustibles admissibles et plus contraignants quant à leurs caractéristiques physiques. En d’autres termes, un foyer à lit fluidisé pourra utiliser une large palette de combustibles (biomasse, déchets, mais aussi charbons, cokes, etc.), y compris des combustibles qui ont des teneurs en cendres très élevées (jusqu’à 50 % voire plus dans certains cas). En revanche, il faut que la granulométrie soit maîtrisée, plutôt inférieure à 50 mm et éviter d’avoir des objets non désirés tels que cailloux, pièces métalliques, etc., surtout sur les petits lits fluidisés (quelques MW) où les systèmes d’extraction sont trop coûteux. Cette flexibilité du foyer à lit fluidisé dense vis-à-vis du combustible suppose toutefois que les dispositifs auxiliaires du foyer (alimentation en combustible, dosage en combustible, extraction des cendres, etc.) soient conçus pour l’emploi d’une grande variété de charges. Enfin le lit fluidisé peut présenter l’avantage par rapport aux foyers à grille de mieux contrôler la combustion (température et rapport locaux comburant/combustible). En outre, il est possible de minimiser la formation de certains polluants comme les acides et les NOx en intégrant des absorbants dans le lit et en étageant mieux la combustion. En revanche ce sont des équipements plus chers en coûts opératoires qui demandent une meilleure maîtrise technique et offre moins de souplesse que les grilles. Enfin le travail sur la nomenclature a permis d’isoler 7 critères de classement (avec quatre ou trois catégories pour chacun) : le PCI, la somme des halogènes (Cl + F + Br), le taux de soufre (S), le taux de cendres, la teneur en azote, la granulométrie et la masse volumique apparente. »